Flux massifs de spectateurs, trafic dense autour des stades, logistique multifacettes, menaces physiques et cyber… la data et l’hypervision multidimensionnelle, en temps réel, sont des atouts stratégiques dans la gestion des grands événements sportifs. Le ministère de l’Intérieur l’a bien compris et s’est doté de Suadeo pour encadrer les Jeux Olympiques, le plus grand événement planétaire. Interrogé par le Mag IT, le Centre National de Commandement Stratégique a partagé son expérience et les bénéfices sur la coopération interministérielle.
Extraits de l’article paru le 03/02/2025 dans Le Mag IT :
« La donnée trouve aussi sa place dans l’organisation d’événements sportifs, notamment pour en assurer le bon déroulement et la sécurité. Les usages ne sont toutefois pas forcément visibles des spectateurs et des sportifs.
Illustration avec la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques de Paris 2024.
Une « révolution digitale » au ministère de l’Intérieur
Les deux grands rendez-vous internationaux étaient prévus de longue date. Afin d’en garantir la sécurité, l’État avait mis en place en 2023 une nouvelle entité, le Centre National de Commandement Stratégique (CNCS). Mais encore fallait-il lui donner les moyens, organisationnels et technologiques, de remplir ses missions.
La réponse a été une « révolution digitale » et de méthode. Cette révolution s’est opérée au ministère de l’Intérieur et de sa Direction de la transformation numérique (la DTNUM) témoigne le colonel Christophe Deshayes, chef d’État-major du CNCS.
Pour de grands événements, l’État s’appuie en principe sur la CIC, la cellule interministérielle de crise, qui dépend du Premier ministre. Le pilotage opérationnel est généralement confié à l’Intérieur, en coordination avec l’ensemble des ministères.
La remontée d’information au quotidien vers l’échelon national s’appuie sur des SI existants, notamment au niveau des préfectures. Les données sont ensuite consolidées au national.
Le modèle fonctionne, mais était perfectible. « Il nous manquait un outil d’intégration », témoigne le responsable du CNCS. La solution devait en réduire (voire supprimer) les ressaisies d’information, ingérer les données des systèmes, mais aussi en provenance d’autres sources.
Mission impossible aux JO sans nouvel outil dédié
La finalité ? « Unifier l’ensemble des informations, les synthétiser via du reporting, permettre de réaliser de l’analyse en temps réel et éclairer beaucoup plus rapidement la situation pour nos autorités pour la prise de décision. », explique Christophe Deshayes. (…)
« L’envergure inédite de cet événement planétaire » que sont les Jeux a convaincu du besoin de se doter « d’un nouvel écosystème numérique qui permette d’intégrer de grands volumes de données, du ministère de l’Intérieur, mais aussi d’autres ministères, des sources ouvertes, des données d’organisateurs, le tout pour un suivi en temps réel via une information la plus contextualisée possible. »
Colonel Christophe Deshayes au MagIT
Les anticipations des métiers en 2020 et 2021, permises par les retours d’expérience d’olympiades précédentes, dont les Jeux de Londres, ont permis à la DTNum de lancer la réflexion et le développement de la future plateforme construite sur la technologie de l’éditeur français Suadeo. (…)
De 300 à 20 jeux de données géolocalisées et temps réel
« Les métiers proposaient, la DTNum précisait le besoin, et Suadeo paramétrait en fonction sa plateforme. » Les itérations se sont poursuivies durant 12 à 15 mois, y compris après la Coupe du monde de rugby de septembre et octobre 2023, premier « test match » pour la plateforme.
À titre d’illustration, ce sont 300 jeux de données qui ont été utilisés lors de la fête du ballon ovale. (…) Pour les Jeux de Paris, ce sont 15 à 20 datasets qui ont finalement été utilisés, « mais complètement géolocalisés et en temps réel pour permettre la prise de décision. » (…)
Au cours de la phase transitoire entre les deux événements sportifs, la plateforme a été migrée sur le cloud souverain du ministère de l’Intérieur (Cloud Pi) (…).
C’est au gré d’un processus itératif que la plateforme Data (ou d’hypervision) a été complétée par des applicatifs nécessaires à la collaboration et au partage d’information en temps réel. Le résultat a été une rupture dans l’outillage (Excel, PowerPoint) et dans la méthode de travail (ministère et interministériel). (…)
Durant les JO, ce sont plus de 500 messages par jour qui ont ainsi été saisis et partagés dans ce qui est devenu « le principal outil collaboratif du ministère et de l’ensemble des opérateurs des autres ministères ». (…)
Les informations sont renseignées par les préfectures pour être ensuite agrégées automatiquement dans un rapport utilisable directement dans un point de situation. Ce document était auparavant réalisé manuellement sur PowerPoint.
Avec la plateforme, la construction d’un point de situation fonctionne à la manière d’un assemblage personnalisable de composants ou de legos. (…)
Chaque ministère et chaque direction a pu, grâce à ces fonctionnalités RH, renseigner ses personnels et gérer ses ressources. (…)
Une transformation numérique doublée d’une mue culturelle
Pour le colonel chargé du CNCS, la technologie ne constitue cependant qu’un volet du projet.
« Les développements et la transformation numérique ont servi à accompagner notre mue culturelle : la prise en compte du “réputationnel”, l’intégration de la data, la capacité à traiter de grands volumes de données et à détecter des signaux faibles »
Colonel Christophe Deshayes au MagIT
Pour lui, la plateforme s’inscrit dans un écosystème numérique plus large qui englobe certes les outils, mais également « l’humain et le collectif » à l’échelon interministériel. Quant aux processus, ils ont été construits parallèlement au développement de la plateforme. (…)
« La transformation numérique a été mise en œuvre pour le plus grand événement international qu’un pays puisse accueillir. Et cela a fonctionné. (…) Nous avons fait la démonstration que le CNCS et son nouvel écosystème numérique, sa nouvelle façon de travailler collectivement, avaient fonctionné, et même très bien fonctionné. […] Nous pourrions aller encore plus loin. Mais c’est maintenant qu’il faut le faire ».
Colonel Christophe Deshayes au MagIT